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Citadelle de Termez : Chantier D








La partie septentrionale et la période gréco-bactrienne

Le nettoyage a permis de dégager une surface de 3,3 x 3 m située juste au nord du mur principal. Cette zone, qui n'avait pas été touchée en 1973, a été fouillée jusqu'au rocher qui est apparu à une cinquantaine de centimètres plus bas. Les couches, bien en place, ont livré un matériel céramique dans lequel la majorité des tessons étaient caractéristiques des périodesYüeh-Chih et du début de la période kouchane mêlés de quelques tessons gréco-bactriens  .
En retaillant la coupe de la face nord, il a été possible de fouiller des niveaux en place situés juste au-dessus du rocher. Aucun niveau gréco-bactrien n'a pu être mis en évidence : le matériel céramique de la partie supérieure était caractéristique du début de la période kouchane; tandis que celui de la partie située immédiatement au contact du rocher comportait des tessons caractéristiques de la période gréco-bactrienne (plats à poissons, etc), mais ceux-ci étaient mélangés à d'autres tessons plus tardifs (périodeYüeh-
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Chih et début de la période kouchane).
Il semble donc difficile de parler de l'existence de niveaux gréco-bactriens à cet endroit contrairement à ce qu'affirme la publication de V. Kozlovsky et E. Nekrassova  .
La présence incontestable de formes gréco-bactriennes nous conduit à formuler deux hypothèses. Soit il existait une occupation gréco-bactrienne dans ce secteur mais celle-ci aurait été arasée durant l'époque kouchane et seuls quelques tessons auraient subsisté. Soit, plus probablement, ce secteur de la citadelle n'avait été occupé que de manière sporadique durant cette période. Il n'a pas été possible de consulter la documentation de la fouille de 1973, mais E. Nekrassova a confirmé que les fouilleurs n'avaient pas trouvé une épaisseur d'un mètre de niveaux hellénistiques en place mais plutôt une poche contenant des tessons hellénistiques et du matériel mélangé situé au-dessus du rocher  .


La partie centrale et l'enchevêtrement de murs

Parallèlement au travail mené dans la partie septentrionale du sondage, il a été décidé de dégager les maçonneries qui couvraient tout le reste de la surface du chantier. Ce travail était d'autant plus justifié que nous pensions être en présence d'un rempart et de renforcements successifs de ce rempart.

Les murs

La mise en évidence d'un enchevêtrement de murs en briques crues, en blocs de grès et en pahsa sur une longueur de 13 m, la présence de nombreuses fosses et l'impossibilité d'élargir le sondage expliquent les difficultés d'interprétation et de datation des différents murs. La figure 1 montre l'état final de la fouille.
Au terme de nettoyages soigneux, il a été possible de distinguer cinq maçonneries différentes qui s'échelonnent sur plus de dix siècles et dont la chronologie relative a pu être établie dans ses grandes lignes.
L'appareil du premier mur (M0) est fait de blocs de grès extraits du soubassement rocheux, ce qui confirme bien le fait que nous avons ici la toute première installation implantée sur un terrain où le rocher n'était pas recouvert par des couches d'occupation. La date de construction n'a pu être déterminée avec précision, mais la céramique trouvée dans des couches venant buter contre le mur semble indiquer que ce dernier date d'avant la période kouchane. Le mur a une épaisseur de 2,4 m et les blocs, irréguliers, font entre 7 et 17 cm d'épaisseur pour 27 à 36 cm de large. Un massif de pahsa, dont la fonction n'est pas claire, vient s'appuyer contre ce mur du côté nord.
Un second mur (MI), construit en briques crues de 32 cm de côté, est ensuite venu recouvrir MO  , et un mur (MIbis) a été plaqué contre MI. Plus tard, après une période durant laquelle une couche de décombres est venue s'accumuler contre MIbis, un mur MIII, épais de 1,6 m (briques de 36 x 36 x 14 cm) été construit parallèlement à MI et apparemment associé à une couche de détritus contenant un abondant matériel du Xe s. Enfin, un grand mur nord-sud MII a été établi sur les ruines des précédents avant d'être lui-même en grande partie détruit. Ce mur est assez mal préservé, souvent sur moins d'une assise. Il mesure 1,75 m d'épaisseur (soit quatre assises et demi de briques d'un format de 32 à 34 x 32 à 34 x 14 cm). Aucune fosse ne semble le percer. En revanche,e ce mur recouvre une fosse d'époque
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kouchane et ne peut pas, stratigraphiquement parlant, être antérieur à MIII. Quant aux états postérieurs, il n'est pas possible de les connaître puisqu'ils ont disparu lors du creusement ancien du sondage.

Les fosses et le puits

L'ensemble des maçonneries décrit ci-dessus était percé par de nombreuses fosses et un puits soigneusement construit.
Plusieurs fosses ont été vidées ; l'une d'entre elles, scellée par le mur MII, contenait du matériel kouchan, dont une statuette en terre cuite. La plupart des autres contenaient du matériel islamique (époque pré-mongole).
Le puits, de 90 cm de diamètre et d'une profondeur de plus de 2,5 m, a fourni un ensemble exceptionnel de céramiques, de verres et d'objets de la fin du IXe et du début du Xe s. Le verre a été traité dans deux articles par K. Abdoullaev .

Conclusions

Si le sondage que nous venons de décrire n'a pas donné lieu à des découvertes spectaculaires, il a néanmoins permis de faire progresser nos connaissances sur la citadelle de Termez :
- L'absence de niveaux gréco-bactriens en place semble indiquer, soit que durant cette période l'occupation était peu importante dans ce secteur, soit plutôt que l'établissement gréco-bactrien ne s'étendait pas jusqu'à cette partie de la citadelle. Dans ce cas la limite de celui-ci se trouverait entre ce sondage et celui que Sh. Pidaev a
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réalisé au sommet de la citadelle  .
- Les murs construits en blocs de grès, et renforcés par la suite en briques crues, appartiennent vraisemblablement à un bâtiment important des périodes Yüeh-Chih et kouchane. Les installations trouvées à proximité (jarres de stockage et pièce souterraine) de même que le matériel mis en évidence entre les deux murs en blocs de grès (fosse, sols en place, etc.) sont de nature domestique. L'ensemble confirme l'importance de l'occupation durant cette période.
- Les fouilles de V. Kozlovsky et E. Nekrassova n'ont permis de mettre en évidence qu'un seul niveau, de 30 à 40 cm d'épaisseur, datant du début du Moyen Age (Ve-VIIIe s.)  . Nos propres travaux confirment qu'il y a une lacune importante entre la fin de la période kouchane et la période islamique.
- Le matériel découvert dans les fosses et le puits a procuré des ensembles clos de céramique et de verre, bien datables et pouvant servir de référence par la suite pour ces périodes.

S.S.

Illustrations : Statuette en terre cuite. Vue vers le sud de la tranchée. Mur en briques crues des différents murs. Plan général du sondage (F. Ory).